Le retard tardif avec lequel un Préfecture octroie un titre de séjour justifie que l'intéressé soit indemnisé des préjudices qu'il a subis de ce fait (TA Rennes, 8 avril 2024, n° 2300386)

 Il est plus qu'usuel que les Préfectures tardent à instruire les demandes de titre de séjour dont elles sont saisies par un étranger.

 

Si les textes - article R 432-2 du ceseda - mentionnent un délai maximum de 4 mois pour rendre réponse aux demandes de carte de séjour temporaire, la pratique montre que les délais sont en réalité beaucoup plus longs...

 

Les étrangers, qui souhaitent évidemment que leur demande soit favorablement instruite par les services préfectoraux, ne sont pas très enclins à les critiquer, encore moins à rechercher leur responsabilité devant un Tribunal, laissant les Préfectures faire trainer indéfiniment certains dossiers.

 

Et pourtant...

 

Comme toute administration, la Préfecture est tenue de respecter des délais raisonnables. Lorsqu'il est démontré que les services préfectoraux sont responsables du retard à rendre une décision, ce retard constitue une faute qui justifie que la Préfecture soit condamnée à réparer le préjudice subi par l'étranger de ce fait..

 

C'est ce que le Tribunal administratif de Rennes a rappelé dans une décision n° 2300386 du 8 avril 2024.

 

Dans cette affaire, le requérant avait sollicité un titre de séjour pour raisons de santé le 15 octobre 2021. Conformément à la procédure, le collège des médecins de l'OFII avait été saisi et avait rendu un avis favorable le 3 janvier 2022. Pour autant, et malgré de nombreuses relances, la Préfecture n'a délivré le titre de séjour sollicité que le 13 juin 2022 soit 8 mois après le dépôt de la demande et 6 mois après que l'avis favorable de l'OFII ait été rendu!

 

Ce retard a empêché l'intéressé de travailler durant plusieurs mois alors qu'il justifiait pouvoir être embauché dès l'obtention de son titre de séjour.

 

Très affecté par cette situation qu'il trouvait légitiment injuste, le requérant a sollicité de la Préfecture la réparation de son préjudice financier, lié au manque à gagner en raison de l’impossibilité de travailler durant plusieurs mois, outre l'indemnisation de son préjudice moral.

 

Les juges, actant du délai tardif et non justifié avec lequel la Préfecture avait octroyé au requérant le titre de séjour sollicité, ont fait droit à la demande du requérant et ont condamné la Préfecture à lui verser la somme globale de 4000 euros en réparation des préjudices subis. Ils ont par ailleurs acté de la possibilité pour un étranger d'obtenir un titre de séjour alors qu'il poursuit parallèlement une procédure de demande d'asile toujours en cours.

 

Si de telles procédures étaient engagées plus régulièrement, nul doute que les Préfectures, sensibles à la menace financière, réfléchiraient à des procédés plus efficaces pour traiter leurs dossiers en temps et en heure!.

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TA Rennes 8 avril 2024 n° 2300386
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Imputabilité au service d'une maladie professionnelle : le lien entre la maladie et le service doit être probable mais pas nécessairement certain (CE 8 mars 2023, n° 456390)

 Par un arrêt du 8 mars 2023 n° 458390, le Conseil d’État, poursuivant sa volonté de protéger les agents publics contre les risques professionnels auxquels ils sont exposés, ajoute une nouvelle pierre à l'édifice en jugeant que le lien entre la maladie d'un agent et ses fonctions n'a pas pas être certain mais seulement probable pour reconnaitre son imputabilité au service.

 

Le Conseil D’État suit ainsi l'analyse de son rapporteur public, Thomas PEZ-LAVERGNE, qui précise que le régime de l'accident de service ou de la maladie professionnelle "met en œuvre l’obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu’ils peuvent courir dans l’exercice de leurs fonctions. Il s’agit donc de protéger les agents contre les risques professionnels auxquels ils sont exposés. De sorte que, dire qu’un accident ou une maladie est imputable au service, ce n’est pas tellement affirmer qu’il trouve sa cause dans le service ; c’est seulement reconnaître qu’il constitue la réalisation d’un risque qui est au nombre de ceux que l’employeur doit prendre à sa charge"( conclusions du rapporteur public sous arrêt CE 8 mars 2023 N° 458390)

 

Cet arrêt s'inscrit dans une logique de protection de l'agent visant à une meilleure indemnisation des agents malades ou blessés en raison de leurs fonctions. Logique initiée en 2013 par le Conseil D’État et poursuivie depuis lors.

 

Auparavant en effet, la Haute juridiction exigeait, pour reconnaitre l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, la preuve de sa ''relation directe, certaine et déterminante'' avec les fonctions de l'agent concerné (CE 7 octobre 1981 n° 23724).

 

Peu satisfaisante pour les agents qui éprouvaient de grandes difficultés à faire la preuve de ces éléments, le Conseil D’État a fait évoluer sa jurisprudence en remettant d'abord en cause la condition du caractère déterminant entre la maladie (ou l'accident) et le service. Ainsi, par un arrêt du 23 septembre 2013, les juges administratifs ont admis que l'existence d'un lien direct mais non nécessairement exclusif suffisait à reconnaitre l'imputabilité au service de l'accident de service (CE, 23 septembre 2013, N°353093).

 

Cette jurisprudence a été confirmée l'année suivante par le Conseil d’État qui indique, s'agissant d'une tentative de suicide d'un agent public, :

 

''Considérant, dès lors, qu'en mettant à la charge de la requérante la preuve de ce que sa tentative de suicide avait eu pour cause certaine, directe et déterminante un état pathologique se rattachant lui-même directement au service, alors qu'il avait relevé, par un motif qui n'est pas remis en cause par le pourvoi, que la tentative de suicide avait eu lieu au temps et au lieu du service, et qu'il lui appartenait donc seulement d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si des circonstances particulières permettaient de regarder cet évènement comme détachable du service, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que Mme A... est donc fondée à demander l'annulation du jugement attaqué '' (CE 16 juillet 2014, n°361820)

 

Après l'abandon du caractère déterminant entre le la malade et le service, le Conseil d’État, dans l'arrêt commenté du 8 mars 2023, poursuit sa logique protectrice des agents en écartant la nécessité de démontrer le caractère certain du lien entre la maladie et le service.  :

 

''En rejetant la demande de l'intéressée tendant à l'annulation de la décision refusant de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident vasculaire cérébral survenu le 21 mars 2013 au motif que les conclusions du rapport de l'expert ne reposaient que sur des probabilités et que ni ce rapport ni les autres pièces médicales versées au dossier ne permettaient d'établir avec certitude un lien direct entre la rupture d'anévrisme et l'accident de service dont la requérante a été victime, la cour a donné aux faits de l'espèce une qualification juridique erronée.'' (CE 8 mars 2023, n°456390)

 

L'assouplissement opéré par les juges administratifs n'est pas surprenant et confirme leur volonté de garantir aux agents publics l'indemnisation de leur maladie ou blessures liées à leurs fonctions quand bien même ce lien ne serait pas exclusif ou certain. Il suffit qu'il soit direct.

 


Rejet d'un référé expulsion (TA RENNES n° 2302048, 4 mai  2023) : une situation de vulnérabilité avérée interdit à la Préfecture d’ordonner l’expulsion d’un étranger d’un logement pour demandeurs d’asile sans qu’il n’ait la garantie de pouvoir être relogé ailleurs.

 Lorsqu’un demandeur d’asile voit sa demande d’asile définitivement rejetée, il doit en principe quitter le logement dont il bénéficiait le temps d’examen de sa demande (logement CADA, PRADHA…).

 

Il arrive toutefois que l’intéressé se maintienne dans son logement, notamment car il n’a aucune autre possibilité d’hébergement. Dans ce cas, la Préfecture, après avoir mis en demeure l’étranger de quitter le logement, peut saisir le juge des référés afin d’obtenir l’autorisation de procéder à son expulsion forcée.

 

Ce référé expulsion est en général accueilli par le juge des référés dès lors que la Préfecture démontre d’une part l’urgence et l’utilité de la demande (en faisant état du fort taux d’occupation des logements de demandeurs d’asile sur le territoire et donc l'utilité de rendre le logement disponible rapidement) et qu'il n'existe pas de contestation sérieuse quant à cette demande (pour exemple CE 21 avril 2017, n°405164)

 

A ce titre, le juge prend en compte l'état de vulnérabilité de la personne visée par la mesure d'expulsion et fait la balance entre les besoins particuliers liées à cette vulnérabilité (notamment le besoin d'hébergement, d'accompagnement social et médical) et l'intérêt public à ce que le logement soit rendu disponible.

 

En l'espèce, le Tribunal administratif de Rennes a considéré que tant la situation administrative de l'intéressée (mère isolée avec 4 enfants mineurs placés à l'ASE et bénéficiaire d'un droit au séjour à ce titre), que sa situation de santé ( troubles neurologiques graves et particulière vulnérabilité psychologique attestée par ses médecins) faisaient obstacle à la demande d'expulsion de la Préfecture dès lors qu'aucune solution d'hébergement n'avait été proposée:

 

''Ainsi, eu égard à la situation de santé particulière, tant physique que psychique, de Mme X au fait qu’elle se trouve en situation régulière sur le territoire français, et alors que le préfet du Morbihan ne propose ni ne garantit aucune solution d’hébergement d’urgence à l’intéressée, la demande d’expulsion de Mme X du logement qu’elle occupe au sein du CADA Coallia situé XXX (56800) doit être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse, nonobstant l’actuelle saturation du dispositif d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile, dont le préfet du Morbihan établit la réalité"

 

La requête en référé de la Préfecture a donc été justement rejetée

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décision CNDA 27 janvier 2023 n° 22051072 SOUDAN Darfour soustraction à un mariage forcé

Par une décision du 27 janvier 2023, la CNDA a reconnu le statut de réfugié à une jeune femme originaire du Darfour en raison des risques de persécutions qu'elle encourrait du fait de sa soustraction à un mariage forcé :

 

" Il ressort des sources d’information publiques disponibles et, notamment de la note établie par la division de l'information, de la documentation et des recherches (DIDR) de l’OFPRA sur les mariages forcés au Soudan, publiée 21 février 2019, que la pratique du mariage forcé et précoce est encore très courante au Soudan. Ladite note souligne l’absence de législation à l’encontre des mariages forcés et précoces et de rares condamnations pour les violences infligées aux femmes dans ce cadre. Le mariage forcé demeure courant dans toutes les régions du pays et constitue, ainsi, une norme sociale profondément ancrée. En outre d’après une enquête à indicateurs multiples (Multiple Indicator Cluster Survey (MICS)),menée par les autorités soudanaises et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) en 2014 et publiée en février 2016, 11,9 % des femmes, ayant entre 15 et 49 ans, ont été mariées avant l’âge de 15 ans et 38 % des femmes, ayant entre 20 et 49 ans, ont été mariées avant 18 ans. Cette même note précise que si la pratique du  mariage forcé varie selon les Etats fédérés, mais également en fonction du niveau d’éducation des jeunes filles, la  tradition conserve un poids important, certaines familles étant stigmatisées par leur communauté si leurs filles ne sont pas mariées jeunes. Dès lors, il apparaît que les femmes qui refusent de se soumettre à un mariage imposé au Soudan constituent un groupe social au sens de la convention de Genève et sont susceptibles d’être exposées de ce fait à des persécutions (...)

Les pièces du dossier et les déclarations spontanées, constantes et sincères de Mme X ont permis de tenir pour établies son identité, sa nationalité, son origine zaghawa, sa provenance de Nyala dans la région du Darfour Sud. Elles ont aussi permis d’établir sa soustraction à un mariage forcé sans pourvoir utilement bénéficier de la protection des autorités dans ce pays, ainsi que ses craintes en cas de retour au Soudan. En effet, elle a tenu des propos personnalisés et précis sur l’environnement familial dans lequel elle a évolué, sur l’organisation de son union, par son père en 2012, avec un voisin de son quartier, sur la célébration du mariage religieux alors qu’elle avait quatorze ans, corroborée par un document de mariage du 12 avril 2012 établi par un notaire de Nyala, et sur le peu de contacts qu’elle a entretenus avec son époux avant son départ du pays, l’intéressée ayant spontanément précisé qu’ils se sont  rencontrés quelquefois toujours en la présence d’autres personnes, notamment sa mère. Elle a su revenir de manière spontanée et précise sur ses conditions de vie chez son oncle à la suite du décès de son père en 2013, et la volonté de cet oncle de la remarier à un autre homme en 2016 en raison de l’absence de consommation du mariage religieux, de paiement de la dot et de la tardiveté de son époux à la prendre en charge. Elle a également su évoquer de manière personnalisée la manière par laquelle son époux est parvenu à obtenir de ses oncles un délai de trois ans, ses conditions de vie à l’université de Sennar financées par son époux, la volonté de son père avant son décès qu’elle poursuive des études et l’opposition de ses oncles à cette vision. Elle a fait part de manière convaincante du retard de sa promotion à l’université à être diplômée en raison de la pandémie de Covid, tandis qu’elle a décrit, à travers des propos personnalisés et empreints de vécu, les mauvais traitements dont elle a fait l’objet de la part de ses oncles à la suite de son nouveau refus en février 2022, de se marier à un autre homme, polygame, ainsi que la manière dont elle est parvenue à s’enfuir grâce à l’aide logistique et financière de sa mère et de son époux en France. Ainsi, il résulte de ce qui précède que Mme X craint avec raison, au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, d'être persécutée en cas de retour dans son pays en raison de sa soustraction à un mariage forcé. Dès lors, elle est fondée à se prévaloir de la qualité de réfugiée"


décision CNDA du 25 novembre 2022 n°22019408 ALGERIE persécutions en raison de l'athéisme de la requérante

Par une décision du 25 novembre 2022, la CNDA a reconnu le statut de réfugié à une femme algérienne en raison des risques de persécutions par son entourage qu'elle encourrait du fait de son athéisme :

 

" Mme X a été en mesure de décrire avec précision le contexte familial conservateur et traditionaliste musulman dans lequel elle a grandi. De même, elle a pu relater de manière détaillée les circonstances à la suite desquelles, face à sa réticence à porter le voile et à faire les prières journalières, et plus particulièrement après une bruyante et durable crise de larmes devant son père, elle a été soumise à de violentes séances d’exorcisme avec l’intervention d’un imam. À cet égard, le certificat médical versé au dossier, rédigé par médecin légiste et daté du 3 décembre 2021, fait état de nombreuses cicatrices qui résultent de l’intervention d’un tiers. Elle a décrit avec précision le contrôle extrême exercé par son père et ses frères pendant ses études de droit et dans l’exercice de sa profession, en précisant qu’elle vivait toujours au domicile familial, que son père lui imposait des horaires stricts et qu’elle devait être accompagnée d’un proche masculin quand elle plaidait dans sa localité, qu’elle n’avait pas le droit de quitter. Elle a livré un récit détaillé sur les circonstances dans lesquelles elle a commencé à s’interroger sur les convictions des membres de sa famille, après des années d’abus, et les a confrontés à ce sujet, ce qui a conduit à l’intensification des séances d’exorcisme dont elle était victime, tout en précisant qu’elle écrivait ses réflexions concernant son histoire personnelle, sur la condition féminine, sur son rapport à la religion et sur les personnes non croyantes en Algérie. Elle a d’ailleurs exprimé une partie de ces réflexions sur la plateforme du réseau social Twitter, qu’elle a versées au dossier. Elle a tenu des propos précis et empreints de vécu quant aux circonstances dans lesquelles son frère a découvert son manuscrit et l’a menacée de mort avec une arme à feu. L’intervention de son père, qui voulait recueillir l’avis d’un imam sur son comportement, s’est avérée crédible dans ce contexte. Enfin, elle a été en mesure d’expliquer les raisons pour lesquelles les autorités algériennes ne seraient pas en mesure de la protéger, dès lors que l’apostasie est condamnée par la religion musulmane et que les autorités s’y conforment. Ses propos sont corroborés par les sources publiques disponibles, selon lesquelles, si la liberté religieuse est garantie par la Constitution algérienne, la portée concrète de cette garantie est, dans les faits, restreinte. Ainsi, la Constitution reconnaît l’islam comme religion d’Etat et interdit aux institutions tout comportement non compatible avec la morale islamique, punissant notamment l’apostasie et l’expression de la foi chrétienne en public. De même, la loi consacre l’existence d’une infraction pénale « d’injure au prophète Mahomet » et prévoit la possibilité de condamner à une amende, voire à une peine d’emprisonnement, le prosélytisme relatif à une religion autre que l’islam, les peines prévues pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et un million de dinars. L’ordonnance n° 06-03 du 28 février 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman, entièrement appliquée depuis 2008, limite la pratique religieuse non musulmane, restreint les réunions publiques à des fins religieuses et impose aux groupes religieux de s’enregistrer auprès du gouvernement. À cet égard, il est apparu cohérent, compte tenu de ses explications développées et des sources disponibles, que dans sa famille traditionaliste et adepte d’un islam rigoriste, Mme X ait été perçue comme ayant renoncé à la foi musulmane. Ainsi, Mme X craint avec raison, au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, d'être persécutée par son entourage, en cas de retour dans son pays, en raison de de son athéisme, sans pouvoir bénéficier de la protection des autorités. Dès lors, elle est fondée à se prévaloir de la qualité de réfugiée."


La révocation du statut de réfugié ne remet pas en cause la qualité de réfugié - Annulation de l'arrêté de fixation du pays de renvoi     -                     (TA Rennes n° 2202379 du 11 mai 2022)

 L'article L 511-7 du ceseda permet de révoquer le statut de réfugié d'un individu notamment lorsque ce dernier a été condamné pour un crime ou un délit puni de dix ans d'emprisonnement et que sa présence constitue une menace grave pour la société française.

 

Dans l'hypothèse où le statut de réfugié est révoqué, la question se pose de savoir s'il est possible de renvoyer la personne concernée dans son pays où, par définition, elle craint d'être exposée à des risques réels de persécutions.

 

La réponse est NON.

 

En effet, sous l'impulsion de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE, 14 mai 2019, C-391/16, C-77/17 et C-78/17), il faut distinguer :

 

- la qualité de réfugié au sens de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, c'est à dire le fait avéré que l'intéressé a des craintes fondées de persécutions en cas de retour dans son pays d'origine et qu'il doit en être protégé

et

- le statut de réfugié qui est la reconnaissance juridique par l'Etat de la qualité de réfugié de l'individu et des droits s'y rattachant

 

Selon cette distinction, la révocation du statut de réfugié ne saurait permettre à l’administration d’expulser une personne vers son pays de nationalité dès lors qu’elle y encourt toujours des risques de persécutions. Le Conseil d'Etat, longtemps hésitant sur cette question, s'est récemment rangé à cette analyse par une décision n° 450618 du 28 mars 2022.

 

En l'espèce, le requérant, de nationalité bosnienne, avait fait l'objet d'une révocation de son statut en raison des menaces que sa présence en France constituait du fait de condamnations pénales. Toutefois, ses craintes de persécutions en cas de retour contraint en Bosnie, liées à la situation de la minorité rom à laquelle il appartenait, étaient avérées.

 

Malgré cette situation, la Préfecture lui a notifié une obligation de quitter le territoire français et a fixé la Bosnie comme pays de renvoi ouvrant ainsi la voie à un éloignement forcé vers ce pays.

 

Saisi en urgence par l'intéressé, le Tribunal administratif, dans la droite ligne de la jurisprudence précitée, a annulé la décision fixant la Bosnie comme pays de renvoi, imposant ainsi à l'Etat français le respect de la convention de Genève quant à la protection des individus ayant la qualité (mais non nécessairement le statut) de réfugié (TA de Rennes, n° 2202379, 11 mai 2022).

 

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Création du code général de la fonction publique (en vigueur depuis le 1er mars 2022)

Depuis le 1er mars dernier, le code général de la fonction publique a fait son entrée parmi les 77 codes actuellement en vigueur dans notre droit français!

 

Seule la partie législative de ce code, créée par l'ordonnance n° 2021-1574 du 24 novembre 2021, est à ce jour publiée. Les dispositions réglementaires sont annoncées pour l'année 2023.

 

Il s'agit d'une codification ''à droit constant'' c'est à dire sans modification des règles de droit précédemment en vigueur. L'objectif étant de réunir dans un même code l'ensemble des règles régissant la situation des fonctionnaires et des agents publics, jusque-là disséminées dans divers textes souvent propres à chaque fonction publique (étatique, hospitalière et territoriale).

 

( Les tables de concordance, permettant de faire le lien entre les anciens textes et leurs équivalents dans la nouvelle codification, sont consultables notamment sur le site de légifrance).

 

Le rassemblement dans un corpus juridique unique de toutes les règles de la fonction publique était attendu depuis de très nombreuses années et devrait grandement en faciliter la clarté et surtout l'accessibilité qui, hormis pour quelques spécialistes, était jusqu'alors particulièrement ardue.

 

Attention toutefois, les modifications induites par cette volonté de clarté et d'intelligibilité des textes en vigueur, quand bien même elles sont annoncées ''à droit constant'', peuvent être source de réinterprétation des règles en vigueur. Il conviendra donc d'y être attentif!

 


Renouvellement d'une carte de séjour pluriannuelle mention ''passeport talent'' : la préfecture n'a aucun pouvoir d'appréciation quant à la notion de perte involontaire d'emploi (TA Rennes n° 2103509 du 8 octobre 2021)

En application de l'article L 421-14 du ceseda, un "étranger titulaire d'un diplôme équivalent au grade de master qui mène des travaux de recherche ou dispense un enseignement de niveau universitaire, dans le cadre d'une convention d'accueil signée avec un organisme public ou privé ayant une mission de recherche ou d'enseignement supérieur préalablement agréé" peut bénéficier d''une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "passeport talent" d'une durée maximale de 4 ans. Elle lui permet d'exercer une "activité professionnelle salariée dans le cadre de la convention d'accueil ayant justifié la délivrance du titre de séjour."

 

Cette carte pluriannuelle, créée dans les suites de l'ancien titre de séjour "compétence et talents" par la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative aux étrangers en France, vise à faciliter l'installation en France d'étrangers considérés comme hautement qualifiés dans le domaine de la recherche ou de l'enseignement universitaire pour ce qui concerne l'article susvisé  (il existe en effet d'autres types de cartes pluriannuelles mention "passeport talent" par exemple pour l'étranger salarié dans des fonctions hautement qualifiées, pour l'étranger de renommée internationale ou encore pour celui exerçant la profession d'artiste interprète...).

 

La carte ayant une durée maximale de 4 ans, les étrangers en bénéficiant exercent nécessairement dans le cadre de travaux de recherches ou de missions d'enseignement temporaires et sont donc recrutés sur des contrats à durée déterminée.

 

Quid alors de leur situation à l'échéance de ces contrats?

 

Dans la continuité du raisonnement ayant présidé à la création de la carte pluriannuelle "passeport talent" (qui est de permettre l'installation des bénéficiaires de cette "immigration choisie" sur le territoire), le législateur a prévu le renouvellement de droit de cette carte "lorsque l'étranger bénéficiaire de cette carte se trouve involontairement privé d'emploi à la date du renouvellement de sa carte, celle-ci est renouvelée pour une durée équivalente à celle des droits qu'il a acquis à l'allocation d'assurance mentionnée à l'article L. 5422-1 du code du travail" (article L 421-14 dernier alinéa). Ce, afin de permettre à cet étranger hautement qualifié de rechercher et le cas échéant de trouver du travail en France lui permettant de solliciter un nouveau titre de séjour à cette fin. Bref, de faciliter son installation...

 

Ainsi, dès lors que l'étranger est involontairement privé d'emploi et bénéficie parce, qu'il remplit les conditions de durée d'affiliation et de cotisations nécessaires, des allocations d'aide au retour à l'emploi (ARE), il doit pouvoir obtenir le renouvellement de sa carte pour la durée de ses droits à chômage.

 

On sait que la notion de perte involontaire d'emploi, surtout quand elle est liée à l'octroi des ARE, relève de la compétence de POLE EMPLOI ou, dans des cas particuliers, de l'employeur public en autoassurance.

 

Pourtant, la Préfecture du Finistère a considéré, par une décision du 7 juin 2021, que le texte de l'article L 421-14 du ceseda lui donnait entière compétence pour examiner si la situation de l'étranger bénéficiaire d'une carte pluriannuelle "passeport talent" relevait d'une perte involontaire d'emploi lui permettant de bénéficier d'un renouvellement de sa carte pour la durée des ARE acquis.

 

Dans l'espèce en cause, l'étranger, titulaire d'une carte pluriannuelle "passeport talent" obtenue notamment pour préparer sa thèse à l'école navale de Brest, avait vu son dernier CDD non renouvelé après l'obtention de cette dernière.

 

Il s'était immédiatement signalé comme demandeur d'emploi auprès de POLE EMPLOI et avait obtenu sans difficulté son inscription ainsi que le versement d'ARE pour une durée maximale de 730 jours en raison de la fin de son CDD considéré comme une perte involontaire d'emploi selon les règles applicables en la matière.

 

Pourvu de ces éléments, il avait sollicité le renouvellement de sa carte pluriannuelle auprès de la Préfecture pour la durée de ses droits acquis à ARE soit 730 jours.

 

La Préfecture du Finistère, arguant de son autorité exclusive en matière de délivrance des titres de séjour, ne s'est pas estimée liée par la décision de POLE EMPLOI et a, selon une interprétation particulièrement originale- et extrêmement sévère- de la notion de perte involontaire d'emploi, estimé que l'intéressé ne pouvait être considéré comme ayant involontairement perdu son emploi dès lors, en substance, qu'il avait signé un contrat précaire et déterminé dont il savait parfaitement qu'il aurait une fin...

 

Elle a donc opposé un refus de renouvellement de carte de séjour à l'intéressé doublé d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

 

Saisi de la contestation de ces décisions, le Tribunal administratif de Rennes annule les décisions de la Préfecture. Tout en soulignant l'application particulièrement hasardeuse de perte involontaire d'emploi faite par la préfecture, les juges retiennent le moyen tiré de l'erreur de droit : la préfecture est liée par la décision de POLE EMPLOI relative à l'attribution des ARE pour perte involontaire d'emploi.

 

Ainsi, les juges rappellent qu' "il résulte de ces dispositions que lorsqu’un étranger, qui sollicite le renouvellement de son titre de séjour sur le fondement de l’article L. 421-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, est bénéficiaire de l’allocation d’assurance attribuée aux travailleurs involontairement privé d’emploi, le préfet est tenu de faire droit à cette demande de renouvellement pour toute la durée du bénéfice de ce droit (...)". Ils en déduisent qu'"en refusant de renouveler le titre de séjour de M. X... jusqu’à épuisement des allocations journalières dont il peut bénéficier au titre de l’aide au retour à l’emploi, le préfet du Finistère, a, ainsi, méconnu les dispositions de l’article L. 421-14 précité. Sa décision du 7 juin 2021 portant refus de renouvellement du titre de séjour de M. X... doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, l’obligation de quitter le territoire français et de la décision désignant le pays de destination"

 

On ne peut que se féliciter d'une telle décision qui pose une limite au pouvoir d'appréciation souvent très étendu de la Préfecture dans le cadre de la délivrance de titres de séjour. Par ailleurs, cette solution laisse à POLE EMPLOI l'exclusivité de l'analyse des situations de perte involontaire d'emploi dont l'application, déjà complexe, ne méritait pas d'être divisée.

 

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La nouvelle refonte du CESEDA est entrée en vigueur!

 Depuis le 1er mai 2021, une nouvelle version du CESEDA (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) s'applique à tous les actes et procédures relatifs au droit des étrangers.

 

Issue de l'ordonnance n° 2020-1733 et du décret 2020-1734 du 16 décembre 2020, cette nouvelle rédaction du CESEDA, présentée comme ''à droit constant'' c'est à dire sans modification des règles de droit précédemment en vigueur, vise à remodeler ledit code afin de faciliter sa lecture et son application.

 

( Les tables de concordance, permettant de faire le lien entre les anciens articles et leurs équivalents dans la nouvelle codification, sont consultables notamment sur le site du GISTI).

 

Si l'objectif affiché de clarification ne peut qu'être applaudi tant la compréhension du CESEDA s'était complexifiée par l'accumulation des nombreuses réformes antérieures, il convient toutefois de rester vigilant et de vérifier que cette réforme ne dissimule pas de nouvelles régressions pour le droit des personnes étrangères. Les décisions de justice relatives à ce contentieux nous en apprendront davantage sur ce point d'ici quelques mois ...

 

En attendant, il est important de noter que depuis le 1er mai dernier, les demandes adressées par les étrangers aux administrations françaises et notamment aux Préfectures doivent s'appuyer sur les nouvelles dispositions du CESEDA, les précédentes étant réputées abrogées.

 


Le droit au respect de sa vie privée et familiale peut justifier la délivrance d'un titre de séjour quand bien même l'étranger dispose encore de liens réels avec des membres de sa famille dans son pays d'origine (CAA Nantes 18 décembre 2020, n°20NT00617)

 L'article L 313-11 7° du Ceseda (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) permet la délivrance d'un titre de séjour ''vie privée et familiale'' : ''A l’étranger (...) dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine, sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus''.

 

Dès lors que cet article est la transposition en droit interne de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, son application doit être interprétée à la lumière de cette disposition et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme en la matière qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale de tout individu. Le juge exerce un contrôle de proportionnalité entre l'intérêt public qui fonde la mesure (refus d'entrée, de séjour ou décision d'éloignement) et le droit au respect de la vie familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme. L'appréciation de l'atteinte à la vie privée et familiale de l'étranger prend en compte un faisceau d'indices liés notamment à l'insertion de l'intéressé dans la société française, à la nature des liens personnels et familiaux en France et à la nature de ceux existant avec les membres de la famille restés dans le pays d'origine.

 

Or, lors de l'examen des demandes de titre de séjour, les Préfectures ont parfois tendance à nier toute atteinte à la vie privée et familiale de l’intéressé dès lors que celui-ci conserve des liens familiaux réels avec des membres de sa famille restés dans le pays d'origine, se focalisant ainsi sur un seul des critères ci-dessus évoqués.

 

C'est ainsi que la Préfecture du MORBIHAN a cru pouvoir refuser un titre de séjour à un jeune étranger qui sollicitait un titre de séjour "vie privée et familiale". Bien que l'intéressé soit arrivé mineur en France, justifie d'une durée de séjour de plus de 4 ans sur le territoire avec de réelles preuves d'intégration notamment de par ses études, et qu'une partie de sa famille réside sur le territoire français, la Préfecture, suivie par les premiers juges du Tribunal administratif de Rennes, a refusé sa demande de titre de séjour au motif qu'il était ''célibataire et sans enfant à charge, qu'il n'établi(sai)t pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a(vait) vécu jusqu'à l'âge de 17 ans''.

 

Certes, ce jeune homme gardait de fortes attaches dans son pays d'origine, mais, comme l'a rappelé la Cour administrative d'appel de NANTES dans son arrêt N° 20NT00617 du 18 décembre 2020, cela ne justifie pas un refus de titre si l'intéressé démontre son insertion à la société française et l'existence de liens personnels et familiaux forts également en France : ''Dans ces conditions, alors même qu’il a vécu jusqu’à l’âge de 16 ans au Cameroun où résident sa sœur et sa tante, l’arrêté contesté a porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, contraire aux dispositions et aux stipulations rappelées au point précédent et doit, pour ce motif, être annulé''

 

C'est donc à bon droit que la Cour a annulé le refus de titre litigieux et a enjoint à la Préfecture de délivrer à l'intéressé un titre de séjour ''vie privée et familiale''.

 

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CAA Nantes n° 20NT00617.PDF
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Grève du zèle chez les avocats rennais intervenant en droit des étrangers : des demandes de remise en liberté pour tous les étrangers retenus au centre de rétention ce vendredi 17 janvier 2020!

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Communiqué de presse - Ordre des avocats
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Retenue du passeport d'un étranger en situation irrégulière : peut-on le récupérer? (décision du Défenseur des Droits n° 2019-11 du 5 septembre 2019)

Aux termes de l'article L 611-2 du Ceseda (code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile) :

 

"L'autorité administrative compétente, les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu."

 

Cette disposition est presque systématiquement appliquée par les préfectures dans le cadre de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière. Interpellés en situation irrégulière, ces derniers se voient donc contraints de remettre leur passeport aux services de police ou de gendarmerie dans l'attente de leur éloignement, ce, qu'ils soient placés en rétention, assignés à résidence ou simplement obligés à quitter le territoire français.

 

En cas d'éloignement forcé, le passeport leur est naturellement rendu au moment de leur départ. En revanche, lorsque l'éloignement n'est pas effectué, en raison notamment d'une irrégularité de procédure entrainant la remise en liberté de l'étranger, quid du passeport?

 

Dans bien des cas, l'étranger se trouve confronté à un refus de restitution du passeport, voire, s'il ose se déplacer personnellement devant les autorités de police ou de gendarmerie qui détiennent le document, à un placement en rétention administrative. Il se retrouve ainsi dans l'impossibilité de récupérer son passeport ce qui peut lui poser de grandes difficultés dans ses démarches administratives en France ou à l'étranger.

 

Le Défenseur des Droits a récemment été saisi de cette problématique qu'il analyse dans sa décision n° 2019-11 du 5 septembre dernier.

 

S'appuyant sur les réserves d'interprétation du Conseil Constitutionnel notamment quant à la constitutionnalité de l'article L 611-2 du Ceseda au regard de la liberté d'aller et venir ( C. Consti, 22 avril 1997 n° 97-389 DC ), le Défenseur des Droits rappelle que la retenue du passeport prévue à l'article L 611-2 du Ceseda " a pour seul objet de garantir que l'étranger en situation irrégulière sera en possession du document permettant d'assurer son départ effectif du territoire national.". Ainsi, la rétention du passeport ou du document de voyage ne peut être illimitée dans le temps. Elle ne doit intervenir que pendant une durée strictement proportionnée aux besoins de l’administration c'est à dire pour la mise en œuvre de la mesure d'éloignement dont fait l'objet l'étranger visé.

 

Précisant qu'à l'issue d'un an, une obligation de quitter le territoire n'a plus vocation à être le fondement d'une quelconque mesure d'éloignement (article L 551-1 et L 561-2 5°du Ceseda) , le Défenseur des Droits en déduit que, passé ce délai, l'étranger est en droit d'obtenir la restitution de son passeport.

 

S'appuyant par ailleurs sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme relative à l'application de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, le Défenseur des Droits relève que "la confiscation et la non restitution de passeport peut soulever des questions sérieuses au regard du droit d’un individu au respect de sa vie privée et familiale" En effet, "privé de passeport, celui-ci ne peut ni se marier ni enregistrer son enfant auprès de ses autorités d’origine." La rétention du passeport s'analyse donc comme une ingérence dans la vie privée et familiale de l'étranger qui n'est envisageable que si cela poursuit un but légitime et nécessaire dans une société démocratique.

 

Le Défenseur des Droits considère que tel n'est pas le cas pour l'étranger dont le passeport est retenu en application de l'article L 611-2 du Ceseda lorsque l'obligation de quitter le territoire ne peut plus être mise en œuvre (c'est à dire lorsqu'elle est datée de plus d'un an).

 

Sanctionnant la position de la préfecture, il conclut donc :

 

"La retenue de passeport dont fait l’objet Monsieur X par l’administration alors qu’elle ne peut plus mettre en œuvre la mesure d’éloignement qui la sous-tend, ainsi dépourvue de finalité légale, disproportionnée et constitutive d’une violation du droit à la vie privée et familiale, caractérise une atteinte aux droits des usagers du service public de la justice au sens de l’article 4 °1 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits"

 

On ne peut que se féliciter d'une telle décision qui devrait faciliter la restitution des passeports pour les étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire de plus d'un an.

 


Les conséquences du décret JADE sur les demandes indemnitaires des agents publics (CE 3 décembre 2018, n°417292)

 

Sous prétexte de sécurité juridique, les règles relatives aux délais de recours pour contester les décisions administratives sont, depuis quelques années, devenues considérablement plus sévères pour les justiciables. C'est spécifiquement vrai pour les agents publics dans les rapports avec leur administration.

 

Ainsi, le Conseil d'Etat, par un arrêt très discuté du 13 juillet 2016 , a jugé que les décisions administratives ne pouvaient être indéfiniment contestées. Par conséquent, les juges suprêmes ont décidé que le délai de recours à l'encontre d'une décision administrative ne pouvait excéder un délai raisonnable fixé, sauf circonstances particulières, à un an à compter du moment où son destinataire en a eu connaissance (CE Ass 13 Juillet 2016 n°387763)

 

Le législateur a rapidement renforcé cette évolution avec l'édiction du fameux décret JADE n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du code de justice administrative.

 

Ce texte a notamment modifié l'article R 421-3 du code de justice administrative mettant fin au régime dérogatoire de droit commun des recours indemnitaires.

 

Jusque là, le refus opposé par l'administration à une demande indemnitaire pouvait être contesté sans délai dans l'hypothèse où l'administration n'avait pas opposé un refus exprès à cette demande ou, si un refus exprès avait été opposé, si ce refus ne comportait pas la mention des voies et délais de recours permettant à l'administré de le contester.

 

Depuis le décret JADE, le silence gardé par l'administration sur cette demande indemnitaire fait automatiquement naitre une décision implicite de rejet deux mois plus tard qui ne peut être contestée que dans un délai de deux mois devant le Tribunal administratif compétent.

 

Ces règles, extrêmement sévères pour l'administré, sont toutefois tempérées par les dispositions combinées des articles L 112-3 et R 112-5 du code des relations entre le public et l'administration qui imposent à l'administration d'accuser réception des demandes qui lui sont faites et de préciser, dans l'accusé de réception, les délais et voies de recours applicables à la décision implicite de rejet qui naîtrait de son silence. A défaut, les délais de recours ne courent pas et l'administré est libre de contester la décision implicite de refus à tout moment.

 

Cependant, l'article L 112-2 du code des relations entre le public et l'administration exclut expressément de ce dispositif les demandes effectuées par les agents publics à leur administration...

 

Ainsi, le silence gardé par l'administration pendant deux mois à la demande indemnitaire d'un de ses agents vaut décision implicite de rejet. Alors même que l'agent n'a pas reçu d'accusé de réception de sa demande par son administration et n'a donc pas été informé des voies et délais de recours lui permettant de la contester, il est tenu de saisir le Tribunal dans un délai de deux mois à compter de la décision implicite de rejet, à défaut de quoi sa demande sera déclarée irrecevable car tardive!

 

Le Conseil d'Etat a récemment validé cette analyse par un arrêt du 3 décembre 2018 :

"Il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'en cas de naissance d'une décision implicite de rejet du fait du silence gardé par l'administration pendant la période de deux mois suivant la réception d'une demande, le délai de deux mois pour se pourvoir contre une telle décision implicite court dès sa naissance à l'encontre d'un agent public, alors même que l'administration n'a pas accusé réception de la demande de cet agent, les dispositions de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration n'étant pas applicables aux agents publics. Ce n'est qu'au cas où, dans le délai de deux mois ainsi décompté, l'auteur de la demande adressée à l'administration reçoit notification d'une décision expresse de rejet qu'il dispose alors, à compter de cette notification, d'un nouveau délai pour se pourvoir"

(CE, 3 décembre 2018, N° 417292

 

Il s'agit donc pour les agents publics d'être extrêmement prudents dans leurs rapports avec l'administration qui les emploie. Il convient d'avoir à l'esprit que toute demande est potentiellement le point de départ d'une décision de refus implicite (le silence gardé par l'administration pendant deux mois valant, sauf exceptions, refus implicite) qui ne peut être contestée que dans un délai de deux mois devant le Tribunal. Passé ces délais, aucune contestation ne sera plus recevable devant le Tribunal!

 


Demandeur d'asile et conditions matérielles d'accueil : l'OFII doit prendre en compte la vulnérabilité du demandeur d'asile même en cas de demande de réexamen (TA Rennes, référé, ord n°1901731 du 24 avril 2019)

 Afin de garantir le droit d'asile, considéré comme une liberté fondamentale de tout individu, et pour traduire les exigences du droit de l'Union Européenne, la loi impose que l'Etat français prenne en charge, sous certaines conditions, les besoins matériels du demandeur d'asile jusqu'à ce que sa demande d'asile soit examinée.

 

Ces besoins matériels appelés en droit français, "conditions matérielles d'accueil", relèvent de la responsabilité de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII).

 

Ils comprennent un droit à être hébergé dans un centre d'hébergement dédié et un droit à percevoir une aide financière appelée "allocation pour demandeur d'asile" ou "ADA" censée permettre au demandeur d'asile de vivre dignement durant la procédure d'examen de sa demande d'asile (étant précisé que si le demandeur d'asile refuse la place d'hébergement qui lui est proposée -quelquefois très loin de l'endroit où il se trouvait jusqu'alors-, il ne pourra pas prétendre au bénéfice de l'ADA. En revanche, si aucun hébergement ne peut lui être proposé, il pourra néanmoins percevoir l'ADA majorée d'une somme censée lui permettre de subvenir à ses besoins d'hébergement).

 

Ce dispositif est encadré par les articles L 744-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et prévoit un certain nombre d'exceptions. En particulier, l'article L 744-8 2°du CESEDA précise que le bénéfice des conditions matérielles d'accueil peut être "refusé si le demandeur présente une demande de réexamen de sa demande d'asile (...)" c'est à dire si le demandeur d'asile s'est déjà vu refuser le droit d'asile en France et sollicite un nouvel examen de sa situation au regard d'éléments nouveaux.

 

Ces dispositions nationales doivent toutefois être interprétées dans le sens des exigences communautaires fixées par la directive "accueil" n° 2013/33/UE du 26 juin 2013 qui imposent, en son article 20.5, que "les décisions portant limitation ou retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil [soient] fondées sur la situation particulière de la personne concernée en particulier pour le cas des personnes visées à l'article 21, compte tenu du principe de proportionnalité". L'article 21 liste les personnes vulnérables : "les mineurs, les mineurs non accompagnés, les handicapés, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, par exemple les victimes de mutilation génitale féminine."

 

Dans le cas d'espèce étudié, l'OFII s'est cru fondé à refuser les conditions matérielles d'accueil à une mère isolée accompagnée de ses trois enfants mineurs au seul motif qu'il s'agissait d'une demande de réexamen ce, sans apprécier sa situation personnelle et son état de vulnérabilité.

 

Par ordonnance du 24 avril 2019, le juge des référés suspend à bon droit cette décision en regard notamment de "la méconnaissance de l'article L 744-8 du CESEDA en ce que cette décision ne se prononce pas sur sa vulnérabilité" et enjoint à l'OFII de rétablir les conditions matérielles d'accueil de la requérante dont la situation de vulnérabilité ne faisait aucun doute.

 

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Ord n° 1901731 du 24 avril 2019.PDF
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Allocations d'aide au retour à l'emploi et différence de traitement entre salariés du secteur privé et agents de la fonction publique  (Soc, 1er janvier 2019, n°17-11975)

 Les règles relatives à l'assurance chômage concernent les salariés du secteur privé comme les agents du secteur public. Ainsi, l'article L 5424-1 le code du travail prévoit expressément leur application aux fonctionnaires et agents contractuels de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics hospitaliers.

 

Toutefois, dans cette situation, et hormis le cas où l'employeur public a signé une convention avec Pole Emploi, c'est l'employeur public lui-même qui assure seul, la charge et la gestion des allocations d'aide au retour à l'emploi dont ses agents sont susceptibles de bénéficier (article L 5424-1 et L 5424-2 du code du travail)

 

Cela signifie que, bien que les règles soient les mêmes pour tous, l'attribution des allocations d'aide au retour à l'emploi sera examinée :

  • pour les salariés du secteur privé : par Pôle Emploi et en cas de recours contentieux traitée par le juge judiciaire,
  •  pour les agents publics : par l'employeur public et en cas de contentieux traitée par le juge administratif.
  • Et, cas particulier pour les agents publics sous contrat de droit privé (tels les contrats aidés) : par l'employeur public mais en cas de recours contentieux par le juge judiciaire en raison de la nature de droit privé du contrat.

Cette situation engendre bien évidemment des divergences d'interprétation importantes qu'un récent arrêt de la Cour de Cassation, juge de l'ordre judiciaire, vient de mettre en lumière (Soc, 1- janvier 2019, n°17-11975).

 

Il était question dans cette espèce d'apprécier la notion de perte involontaire d'emploi, condition essentielle pour pouvoir prétendre au bénéfice des allocations d'aide au retour à l'emploi. L'article 2 du règlement annexé à la convention d'assurance chômage du 14 avril 2017 énonce à ce titre :

 

"Sont involontairement privés d'emploi ou assimilés, les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte: (...) d'une fin de contrat de travail à durée déterminée dont notamment le contrat à objet défini, ou de contrat de mission (...)

 

Les juges judiciaires ont une interprétation textuelle de cette disposition et considèrent que, dès lors que la fin d'un CDD est constatée, le salarié est en situation de perte involontaire d'emploi.

 

La position des juges administratifs est bien plus restrictive puisque ces derniers refusent de considérer qu'il y a perte involontaire d'emploi si l'employeur public a proposé un renouvellement du CDD que l'agent a refusé pour un motif considéré comme non légitime (CE, 13 janvier 2003 n°229251).

 

Ainsi, pour une même situation (un travailleur dont le CDD est arrivé à son terme et qui n'a pas accepté le renouvellement proposé par son employeur), un salarié du secteur privé aura la possibilité de prétendre au bénéfice des allocations d'aide au retour à l'emploi versées par Pole Emploi alors qu'un agent du secteur public n'y sera pas admis par son employeur public.

 

Dans le cas d'espèce, un centre hospitalier, employeur public, avait refusé le bénéfice des allocations d'aide au retour à l'emploi à l'un de ses agents, sous contrat aidé, au motif que ce dernier avait refusé la proposition de renouvellement de contrat qui lui avait été faite. Au regard de la nature de droit privé du contrat en cause, c'est cependant le juge judiciaire qui a été amené à trancher le litige. Ce dernier, sans surprise, confirme sa position et annule le refus de l'employeur public de verser les allocations d'aide au retour à l'emploi à l'agent dès lors que la fin du CDD suffit à considérer l'agent comme involontairement privé d'emploi :

 

"Attendu que pour dire que la perte d'emploi présente un caractère volontaire et que la salariée ne peut prétendre au paiement des allocations chômage à compter du 21 janvier 2011, l'arrêt retient que celle-ci s'est trouvée privée d'emploi à la suite de son refus de la proposition de renouvellement de son contrat à durée déterminée et qu'il n'est pas établi que le motif du refus invoqué par l'intéressée présente un caractère légitime permettant de considérer qu'elle a été involontairement privée d'emploi,

 

Qu'en statuant ainsi, par un motif inopérant, alors que le règlement général annexé à la convention du 19 février 2009 relative à l'indemnisation du chômage dispose que sont involontairement privés d'emploi ou assimilés les salariés dont la cessation du contrat de travail résulte de la fin de leur contrat de travail à durée déterminée dont notamment les contrats à objet défini et qu'elle avait constaté que le contrat unique d'insertion de la salariée avait pris fin le 19 janvier 2011, la cour d'appel a violé les textes susvisés"

 (Soc, 1- janvier 2019, n°17-11975)

 

Cet arrêt montre donc qu'il existe une véritable différence de traitement non seulement entre les salariés relevant du secteur privé et les agents du secteur public mais même entre les agents d'un même établissement public, en l'espèce un centre hospitalier, selon que leur contrat relève de la compétence du juge administratif ou de la compétence du juge judiciaire.

 

Si le principe d'égalité des citoyens devant la loi admet une différence de traitement quand il existe une différence de situation objective et pertinente au regard du but poursuivi par la loi, il semble difficile en l'espèce de considérer que l'objet de l'assurance chômage puisse justifier une telle différence de traitement.

 


L'obligation pour l'employeur public comme privé de payer les congés annuels non pris à la rupture de la relation contractuelle (CJUE, arrêts du 6 du novembre 2018 n° C684/16 et C619/16 )

Par deux arrêts du 6 novembre 2018 (C 684/16 et C 619/16), la Cour de Justice de l'Union Européenne a précisé sa position quant au paiement des congés annuels non pris des travailleurs, qu'il s'agisse de salariés du secteur privé ou d'agents relevant du droit public.

 

Il était acquis qu'un travailleur est en droit de réclamer, à la rupture de sa relation contractuelle, le versement d'une indemnité pour les congés annuels qu'il n'a pas pu prendre en raison de sa maladie (CJCE 20 janvier 2009, C-350/06).

 

Restait toutefois en suspend la situation du travailleur dont les congés payés n'avaient pas pu être pris avant la rupture du contrat de travail pour un autre motif que la maladie (soit car il ne les avait pas demandés, soit car la rupture du contrat était intervenue avant la prise des congés). C'est à cette question que répond la Cour de Justice de l'Union Européenne dans deux arrêts du 6 novembre 2018.

 

S'appuyant sur l'article 7 de la directive européenne n°2003/88/CE du du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (s'agissant du litige entre entre un agent public et son administration) et sur l’article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ( s'agissant d'un litige entre un salarié et son entreprise puisque la directive précitée n'est pas directement invocable dans les litiges entre salariés et employeurs relevant du secteur privé), la Cour de Justice de l'Union Européenne a jugé que le droit de l'Union Européenne devait être interprété :

 

"en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle en cause au principal, dans la mesure où celle-ci implique que, à défaut pour le travailleur d’avoir demandé à pouvoir exercer son droit au congé annuel payé avant la date de la cessation de la relation de travail, l’intéressé perd, automatiquement et sans vérification préalable du point de savoir si celui-ci a été effectivement mis en mesure par l’employeur, notamment par une information adéquate de la part de ce dernier, d’exercer son droit au congé avant ladite cessation, les jours de congé annuel payé auxquels il avait droit en vertu du droit de l’Union lors de cette cessation,ainsi que, corrélativement, son droit à une indemnité financière au titre de ces congés annuels payés non pris."

 

Autrement dit, un employeur ne peut pas refuser de verser une indemnité correspondant aux congés annuels non pris par un travailleur à moins de démontrer que ce dernier a été mis à même de prendre lesdits congés c'est à dire clairement informé par son employeur de ce droit et au besoin formellement incité à le faire (la charge de la preuve incombant à l'employeur).

 


Précisions sur le point de départ du délai de transfert d'une personne dublinée (CE 20 septembre 2018, n°424099)

L 'article 29 du règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013 prévoit que le transfert d'une personne dublinée s'effectue « au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l’effet suspensif est accordé ». (Attention : ce délai est toutefois augmenté à 12 mois si la personne dublinée est emprisonnée et à 18 mois si la personne dublinée est considérée comme en fuite.)

 

A défaut de respecter le délai prescrit, c'est la France qui devient l’État responsable de la demande d'asile et aucune décision de transfert à destination d'un autre pays responsable n'est plus possible.

 

Par un arrêt n° 424099 du 20 septembre 2018, le Conseil d’État est venu préciser quel était le point de départ de ce délai de transfert dans la situation où le dubliné a fait un recours contre l'arrêté de transfert et contre l'assignation à résidence.

 

En l'espèce, le requérant avait fait une demande d'asile le 3 octobre 2017. Le relevé d'empreintes ayant indiqué qu'il avait été identifié notamment en Italie, la Préfecture a placé ce dernier en procédure Dublin III et a sollicité des autorités italiennes la prise en charge de l'intéressé. Cette demande a été implicitement acceptée par les autorités italiennes le 6 décembre 2017 ce qui a conduit la Préfecture à notifier au requérant, par deux arrêtés du 5 avril 2018, une décision de transfert vers l'Italie ainsi que son assignation à résidence. Le requérant a engagé un recours contre l'arrêté de transfert et contre l'arrêté l'assignant à résidence qui s'est soldé par un rejet par jugement du Tribunal administratif du 13 avril 2018.

Le 30 août suivant, le requérant a présenté à nouveau une demande d'asile à la Préfecture estimant que la France était devenue le pays responsable de sa demande d'asile depuis le 7 juin 2018 date d'échéance du délai de 6 mois après l'accord de prise en charge de l'Italie. La Préfecture a refusé d'enregistrer sa demande estimant que le point de départ du délai de transfert était le 13 avril 2018, date de jugement du Tribunal administratif et qu'elle avait donc jusqu'au 13 octobre pour procéder au transfert. C'est cette décision qui était soumise à l'analyse des juges administratifs.

 

De manière très claire, les juges du Conseil d’État valident l'analyse de la Préfecture en indiquant « que les recours formés par M. A...contre les arrêtés du 5 avril 2018 prononçant son transfert en Italie et son assignation à résidence avaient eu pour effet d'interrompre le délai de transfert de six mois et de le faire courir à nouveau à partir du 13 avril 2018, date de lecture du jugement du tribunal administratif de Limoges contre les arrêtés contestés. ».

 

En cas de recours contentieux contre un arrêté de transfert et/ou contre une assignation à résidence, le délai de transfert ne se compte plus à compter de la date d'accord du pays considéré responsable de la demande d'asile mais à compter de la date du jugement prononcé par le Tribunal administratif sur ces recours. Ainsi, le recours formé par un dubliné contre son arrêté de transfert et/ou contre son assignation à résidence a pour effet d'allonger le délai durant lequel la Préfecture peut procéder au transfert de l'intéressé.

 

Il est donc primordial pour une personne sous procédure Dublin de s'interroger sur l'opportunité d'engager un recours contre son arrêté de transfert ou son assignation à résidence. En effet, dans les cas où l'arrêté de transfert est notifié peu avant l'échéance du délai de 6 mois, il peut être préférable de ne pas faire de recours en espérant que la Préfecture n'arrive pas à effectuer le transfert dans le délai imparti plutôt que d'engager un recours qui aura pour effet de lui laisser considérablement plus de temps pour mener à bien le transfert.

 


La résiliation judiciaire du contrat d'un salarié protégé aux torts de l'employeur est incompatible avec sa réintégration (Soc 3 oct 2018 n°16-19836)

 Par un arrêt du 3 octobre 2018 (Soc, 3 oct 2018, n°16-19836), la chambre sociale de la Cour de Cassation a jugé qu'un salarié protégé ayant obtenu la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ne pouvait pas solliciter, par ailleurs, sa réintégration dans l'entreprise. Les juges suprêmes ont en effet validé l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 4 mai 2016 jugeant qu'une telle demande était incohérente et ne pouvait par conséquent être admise.

 

L'analyse des juges est la suivante :

Au regard des faits de l'espèce, ils ont tout d'abord constaté que l'employeur du salarié protégé avait gravement manqué à ses obligations contractuelles, d'une part en modifiant les conditions de travail du salarié requérant sans son accord exprès (pourtant obligatoire s'agissant d'un salarié protégé), d'autre part en lui supprimant unilatéralement le versement d' une prime pourtant régulièrement versée au titre d'un usage d'entreprise à tous les salariés. Cette première constatation permet aux juges d'accueillir la demande en résiliation judiciaire aux torts de l'employeur pour violation du statut protecteur du salarié protégé.

 

Dès lors que cette résiliation judiciaire aux torts de l'employeur est prononcée pour violation du statut protecteur et concerne un salarié protégé, elle a juridiquement les effets d'un licenciement nul (Soc. 26 sept. 2006, n° 05-41.890) .

Or, de jurisprudence constante, la nullité d'un licenciement permet au salarié concerné soit de réclamer sa réintégration accompagnée du paiement d’une indemnité forfaitaire correspondant à l’ensemble des salaires qui auraient dû être versés entre son éviction et la réintégration, soit de réclamer, à défaut de réintégration, diverses indemnités pour licenciement nul et non avenu.

 

La combinaison de ces deux points tendait, en l'espèce, à accueillir la demande du salarié protégé qui sollicitait, outre la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur, sa réintégration dans l'entreprise.

Une telle position a cependant été écartée par les juges au motif que "Monsieur X ne saurait demander tout à la fois la résiliation de son contrat, c’est à dire la rupture du lien contractuel aux torts de son employeur et sa réintégration dans l’entreprise qui suppose au contraire son rétablissement. En conséquence, la demande de réintégration sera rejetée, comme étant incompatible et contradictoire avec la demande de résiliation présentée à titre principal." (CA Versailles, 4 mai 2016, n° 13/00859).

 


Ouverture du cabinet le 2 janvier 2019

C'est maintenant officiel : le 2 janvier prochain, le cabinet ouvre ses portes dans le parc d'activités LES NOES à Plélan-Le-Grand au rez-de-chaussée du bâtiment C.

Me Julie Cohadon, avocate inscrite au barreau de Rennes, y recevra ses clients en toute confidentialité et les assistera dans ses domaines de compétences à savoir : le droit des étrangers et le droit de la fonction publique.

Attention : les consultations en cabinet se font uniquement sur rendez-vous.  La possibilité d'une consultation à domicile reste toutefois ouverte selon la situation.